---

“What is honor compared to a woman's love? What is duty against the feel of a newborn son in your arms . . . or the memory of a brother's smile? Wind and words. Wind and words. We are only human, and the gods have fashioned us for love. That is our great glory, and our great tragedy.”
GIF PAR PETIT OURSON | CITATION DE GEORGE R.R. MARTIN

---

        La journée la plus chaude que l'Orcanie eut connu ce printemps n'allait pas tarder à tirer à sa fin. Le soleil avait d'ores et déjà entamé sa descente mais, ses rayons réchauffaient encore ardemment l'atmosphère. Nombreux étaient les habitants de la cour qui avaient préféré trouver refuge à l'ombre des arbres dans les jardins ou entre les murs de pierres du château. Certains courageux néanmoins, poursuivaient leurs entraînements sans fléchir alors que d'autres, passaient tout juste l'enceinte de la demeure de Warminster. Tel était le cas des fils de Léoden Leicester, du duché de Carmélide : Audran et Arcturus. Juchés sur leurs montures, ils avaient parcouru plus de mille lieues depuis leur terre natale pour exécuter une tâche confiée par leur géniteur. Des jours de voyages comprenant la traversée de la Calédonie ou ils leur fallaient attester avec plus que de la ferveur pour se voir identifier comme les Seigneurs qu'ils étaient. Dans le Monde d'aujourd'hui, on ne reconnaissait plus le pouvoir des Leicester, preuve que la volonté de retrait de Léoden avait été prise telle qu'elle et acceptée. Nombre de fois durent-ils se rabattre sur des auberges car des Seigneurs mal renseignés les chassèrent tel des malpropres. Certains juraient même que la maison des Leicester n'existait plus depuis des décennies, et nombreux étaient ceux qui tombaient des nus en découvrant que malgré ses vœux, le Duc s'était assuré une descendance plus qu'acceptable. Audran se faisait toujours un plaisir d'éclairer leurs lanternes : parlant sans pudeur et avec émotion de leur soeur et de leurs jeunes frères. Il vit naître derrière lui une réputation d'homme d'honneur et de coeur. Un invité bon vivant qui ne tarissait jamais d'éloge pour ses hôtes, à contrario de son frère. Arcturus, dont on ne pouvait nier la droiture, se révélait être un jeune homme froid qui aurait certainement frisé l'impolitesse si l'honneur et les codes n'avaient pas dirigé sa vie. Il était insaisissable et laissa ainsi plus d'une dame apitoyée sur son passage. D'autres, plus fourbes, prétendirent avoir obtenu ses faveurs et son attention, tel un prix durement gagné et qui elles l’espéraient, les ferait briller. Si Audran sembla s'en offusquer lorsqu'ils apprirent les rumeurs, Arcturus ne daigna même démentir celles-ci. Cela devint ainsi l'un des sujets de plaisanterie favoris de son aîné, qui lui-même marié éconduisait avec le plus de grâce et de chaleur possible ses prétendantes. Lorsqu'ils arrivèrent devant les portes, les gardiens les avaient depuis longtemps repéré. L'un d'entre eux alla à leur rencontre pour s'enquérir de leur identité. « Laissez-passer les fils de Léoden Leicester, soldat. » répliqua Audran, d'un ton faussement orgueilleux qui arracha un bref sourire à son cadet. Le dit soldat quant à lui semblait paralysé, son regard outrageusement écarquillé les dévisageant. Depuis quelques années était naquit de l'Histoire de cette Maison, une expression qu'utilisaient principalement les gardiens et les vigiles. Ainsi lorsque l'on causait d'une chose hautement improbable, l'on clôturait ses propos par : "Lorsqu'un Leicester se fera annoncer à la Cour du Roi". L'homme était donc en état de choc, ne sachant visiblement plus articuler quoi que ce soit, arrachant ainsi un haussement de sourcil aristocratique à Arcturus. « Eh bien, qu'attends-tu pour nous laisser entrer? » reprit Audran, qui bien qu'amusé n'était également pas connu pour son immense patiente, bien au contraire. Le gardien recula maladroitement et trébucha à deux reprises avant de parvenir à signaler à ses compagnons qu'ils pouvaient ouvrir les portes. Hébété, il les regarda passer l'entrée alors que l'aîné lui adressait un sourire éblouissant plus que troublant qui contrasta avec l'infime signe de tête de son frère dont le regard se focalisait déjà sur l'intérieur de la forteresse. Leurs montures prisent en charge par des garçons d'écurie, ils eurent tout le loisir de découvrir les lieux. Le soldat n'avait pas encore annoncé ou même ébruité leur identité. Audran contemplait chaque chose qu'il voyait avec une admiration purement enfantine. Arcturus, quant à lui, était bien moins philosophe et scrutait chaque silhouette qui s'approchait avec méfiance. Ils ne pouvaient être certains de l'accueil qui leur serait réservé, et si Léoden avait prit soin de ne trahir aucun serment, beaucoup d'eau avait coulé sous les ponts depuis cette époque. Alors qu'ils évoluaient, traversant la basse cour, son attention se tourna vers un emplacement à demi-dissimulé par ce qui devait être une petite armurerie. Si ordinairement, il aurait réfréné sa curiosité, les exclamations et le bruit des sabres qui s'entre-choques eurent raison de sa sagesse cette fois. Presque oublieux de la présence de son frère, il s'avança sans bruit pour découvrir un spectacle qui le déconcerta : deux jeunes enfants s'entraînaient. Malgré leurs carrures chétives et le poids de leurs armes, il remarqua l'indéniable marque des leçons d'un maître. Mais ce qui le surpris véritablement fut de constater que l'un de ces jeunes combattants n'était autre qu'une jeune fille. Certes, cette dernière n'avait aucunement l'allure d'une demoiselle en cet instant : ses cheveux et son visage étaient maculés de traces de boue et ses vêtements, que le sort n'avait point épargné, pouvaient être beaucoup de choses mais, très certainement pas une robe. Mais, sa supériorité lors de l'échange lui parut indéniable. Il continua ainsi de les observer, fasciné, alors que le jeune garçon reprenait le dessus le temps de quelques passes avant qu'une espièglerie de sa partenaire ne lui vaille de goûter de nouveau - à la vue de ses fripes - à la boue de la basse cour. « Arcturus! » La voix d'Audran dans son dos le fit tressaillir et attira l'attention des deux enfants. Son regard accrocha celui de la jeune fille d'un brun ténébreux, en totale opposition avec le sien, d'un bleu céruléen. Il n'était pas hésitant ce regard, il était fier. Pas hautain mais, déterminé. Quelque chose dans ce regard lui arracha la pensée qu'il était beau, ce qui lui fit inconsciemment froncer les sourcils. « Allons donc! Qu'as-tu vu pour être ainsi tétanisé? » interrogea Audran en déposant une main sur l'épaule de son cadet. Revenant à lui, celui-ci se détourna des combattants pour découvrir son ainé en compagnie d'une jeune servante. Lorsqu'elle remarqua son regard sur elle, elle exécuta une révérence plus que maladroite tout en prenant une teinte coquelicot. « Mon Seigneur. » murmura-t-elle pour toute salutation, étant interrompu par le futur Duc de Carmélide et sa verve habituelle : « Est-ce une jeune fille que j'aperçois? Ceci répond à mon interrogation. J'espère que tes mœurs tant appréciées s'en remettront mon cher frère! » Il s'accorda un rire tandis que le concerné échappé à sa poigne et plutôt que de répondre, préféra s'adresser à l'employée. « Qui sont-ils? » demanda-t-il. Son ton était détaché, quiconque ne l'aurait pas connu comme son frère n'aurait pu y voir qu'une tentative pour contrer l'ennui. Ce dernier ne fut pas dupe, bien qu'étonné par l'intérêt sincère qui animait Arcturus. « Il s'agit des enfants du Baron de Lyness, Mon Seigneur. » Le brun hocha la tête en remerciement néanmoins, ses sourcils restaient froncés. Il voulait en savoir plus mais, savait pertinemment qu'une curiosité mal placée pouvait engendrer d'autres interrogations. Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas le regard étrange que son ainé braquait sur lui. « Connaitriez-vous le doux nom de cette dame, damoiselle Lynette? » Deux regards étonnés vinrent se poser sur le visage souriant d'Audran. La dénommé Lynette révéla son trouble en bégayant sa réponse et bien que déconcerté par la demande de son frère, Arcturus prit soin de noter précieusement la réponse dans un coin de son esprit : Moira.